Politique Générale de l’État (2024-2028), vers plus de réalisme et pourquoi pas plus de concrétisation

Politique Générale de l’État (2024-2028), vers plus de réalisme et pourquoi pas plus de concrétisation
Politique Générale de l’État (2024-2028), vers plus de réalisme et pourquoi pas plus de concrétisation

Si on se réfère à la constitution malagasy de 2010, le Président de la République a différentes missions. D’abord, sur proposition du Premier Ministre, il nomme et met fin aux fonctions des membres du gouvernement (Article 54). Également, selon l’article 55 de la constitution de 2010, il préside le Conseil des ministres, et dans le cadre de cette dernière : signe les ordonnances prises et les décrets délibérés ; procède aux nominations dans les hauts emplois de l’État ; peut décider de recourir directement à l’expression de la volonté du peuple par voie de référendum ; détermine et arrête la politique générale de l’État. Entre autres, il contrôle la mise en œuvre de la politique générale ainsi définie et l’action du gouvernement, et dispose des organes de contrôle de l’Administration.

Pour faire simple, le Président décide des priorités pour les cinq prochaines à venir. En théorie, les citoyens le choisissent d’ailleurs pour sa Vision. Dans la pratique, ce n’est pas nécessairement le cas. Que vous ayez voté ou pas, sommes-nous conscients des effets et impacts de la dernière élection présidentielle ? La question est de savoir : entre le premier mandat du Président et le deuxième, quels changements s’opèreront dans la vie de la Nation et in extenso dans notre quotidien ?

Schéma comparatif de l’ancienne et de la nouvelle PGE

Source : Comparaison de l’auteur

Quel a été le bilan du dernier mandat ?

BAROCI 2022 ou Baromètre Citoyen nous rappelle que l’Exécutif dans le mandat 2019-2023 a réalisé 13% de réalisation et un score de redevabilité de -0,72 s’il était de -0,26 en 2021. Le score classe le PRM et l’Exécutif comme étant « PEU EFFICACE » dans la concrétisation de ses engagements suivant une enquête menée auprès de 6040 citoyens sur les 23 régions de Madagascar. Les principales réalisations portent essentiellement sur les infrastructures dites « manara-penitra » à l’exemple des écoles, des hôpitaux et des stades. Des infrastructures non productives pour la plupart, qui n’ont pas eu d’effets tangibles sur la croissance économique. La COVID-19 et la mauvaise gouvernance ont marqué l’esprit durant le dernier mandat.

Quelles nouvelles priorités pour les cinq années à venir ?

Le changement le plus marquant réside sur la réduction du nombre d’engagements : il est passé de 13 engagements à 3 axes stratégiques. Ce qui n’est pas une mauvaise chose en soit. Quand tout est priorité, c’est que rien ne l’est. Ainsi, les choix stratégiques ont porté sur le capital humain, l’industrialisation et la gouvernance. Trois axes que nul ne pourrait contredire : (i) l’industrialisation pour accroître la production et atteindre un niveau de croissance suffisant, (ii) le capital humain pour s’assurer que la croissance soit bien distribuée, et (iii) la gouvernance pour la soutenabilité de la croissance et la stabilité des institutions. Le terme « Velirano » n’a plus été repris dans le contenu ni d’ailleurs dans les communications officielles. Intentionnel ou non, ce sont les signes d’une maturité et d’une prise de conscience des difficiles concrétisations des politiques publiques.

Qu’est-ce qui est nouveau et qu’est-ce qui a été repris ?

Dans la communication rendant compte de la présentation de la PGE aux membres du gouvernement en 2019, le Président de la République a mis en exergue les 13 velirano ou objectifs stratégiques. Sur le site de la Présidence, le dossier sur les réalisations montre une modification des velirano. En effet, « la justice équitable » a été greffée à « la lutte contre la corruption », la « culture pour tous » a été ajoutée à « l’éducation », « l’industrie touristique » a été remplacée par « nos femmes et nos jeunes pour l’avenir », et la promotion de l’habitat ne figure plus sur le titre du velirano sur la modernisation de Madagascar. En matière d’éthique, la question qui se pose est celle de savoir si ces modifications ont fait l’objet de nouvelles communications en Conseil des ministres. C’est tout l’enjeu de la transparence. Pourtant, il faut remarquer qu’aucun compte rendu dans ce sens n’est disponible sur les sites d’archives officiels de la Présidence et du Gouvernement. Concernant ce nouveau mandat, la PGE a été présentée en conseil des ministres, le 17 janvier dernier, et met l’accent sur les détails des projets à entamer, ceux en cours, et les réalisations antérieures. Ces informations sont d’une grande importance et peuvent s’apparenter à une volonté d’appliquer une plus grande transparence autour des motivations sur les modifications entreprises. Force est de noter que les deux velirano « Emploi décent pour tous » et « Autosuffisance alimentaire », probablement en raison de la faible réalisation, ont été vaguement repris dans la nouvelle PGE ou totalement occultés en raison de la priorisation.

Place à la concrétisation et l’évaluation des politiques publiques.

Pas plus tard que le 1er février 2024, le Premier Ministre Christian Ntsay a présenté la nouvelle PGE devant le Parlement conformément aux dispositions de l’article 99 de la Constitution. Pour rappel toujours, jusqu’à fin 2023, le Plan Émergence Madagascar (PEM) n’a pas été rendu public ou n’a pas été disponible auprès des citoyens. Espérons que l’Exécutif pensera à élaborer le plan de mise en œuvre de la nouvelle politique générale, moyennant des indicateurs mesurables pour permettre à la nouvelle législature à venir de jouer pleinement son rôle. Madagascar est désormais le pays le plus pauvre au monde avec 80,7% de sa population vivant avec un revenu par habitant par jour de moins de 2,15 USD en PPA de 2017. Plus que les promesses, Madagascar mérite mieux de nous tous. Ho an’ny Taninjanaka.

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